Mise en délibéré après l’audience de Grande Chambre du 1 Juillet 2020 sur la vaccination obligatoire en République tchèque et les conséquences du non-respect de cette obligation par les parents.
La requête n° 47621/13 (Vavřička c. République tchèque) a été introduite le 23 juillet 2013 par Pavel Vavřička, un ressortissant tchèque né en 1965 et résidant à Kutná Hora (République tchèque).
En 2003, M. Vavřička fut condamné au paiement d’une amende pour avoir refusé de faire vacciner ses deux enfants, âgés de 14 et 13 ans, contre la poliomyélite, l’hépatite B et le tétanos, alors que le droit interne (arrêté du ministère de la Santé n° 439/2000) imposait ces vaccinations. Les recours introduits par M. Vavřička contre cette décision furent rejetés par les juridictions internes.
La requête n° 3867/14 (Novotná c. République tchèque) a été introduite le 9 janvier 2014 par
Markéta Novotná, une ressortissante tchèque née en 2002 et résidant à Prague.
Les parents de la requérante acceptèrent de la faire vacciner contre toutes les maladies pour
lesquelles la vaccination était obligatoire sauf contre la rougeole, les oreillons et la rubéole (ROR), car ils doutaient de l’efficacité de ce vaccin. En 2006, la requérante fut admise à l’école maternelle.
Deux ans plus tard, informée par la pédiatre que la requérante n’avait pas reçu le vaccin ROR, la directrice de l’établissement décida de rouvrir la procédure d’admission et de ne plus admettre la requérante à l’école. Cette dernière contesta, sans succès, la décision de la directrice devant les juridictions internes, lesquelles estimèrent entre autres que l’exercice par la requérante de son droit de continuer à fréquenter l’école maternelle (droit à l’éducation) était susceptible de mettre en péril la santé d’autrui et que le droit à la protection de la santé était prioritaire.
La requête n° 73094/14 (Hornych c. République tchèque) a été introduite le 16 novembre 2014 par Pavel Hornych, un ressortissant tchèque né en 2008 et résidant à Prague.
Ayant souffert de divers problèmes de santé, Pavel Hornych ne fut pas vacciné et ses parents
arguèrent pour justifier cette omission que le pédiatre de l’enfant n’avait pas formulé de
recommandation de vaccination individualisée pour lui. Il apparaît que ses parents n’ont jamais refusé de le faire vacciner et qu’aucune contravention n’a jamais été constatée en lien avec son statut vaccinal. En 2011, au moment de l’inscription à l’école maternelle, le pédiatre attesta par écrit que le requérant n’avait pas été vacciné. Une note manuscrite indiquant qu’il « ne lui manquait aucune vaccination régulière prévue par la loi » fut ajoutée à son dossier.
Toutefois, la même année, Pavel Hornych se vit refuser l’admission à l’école maternelle, faute d’avoir prouvé qu’il avait été vacciné. Les recours formés contre cette décision furent infructueux.
Les requêtes n° 19306/15 et 19298/15 (Brožík c. République tchèque et Dubský c. République tchèque) ont été introduites par Adam Brožík et Radomír Dubský, le 16 avril 2015. Les requérants sont des ressortissants tchèques nés en 2011 et résidant à Jilemnice (République tchèque).
Les parents des requérants refusèrent, au nom de leurs croyances et de leurs convictions, de les faire vacciner contre certaines maladies pour lesquelles la législation imposait une vaccination. En2014, un directeur d’établissement refusa d’admettre les requérants à l’école maternelle, indiquant que la vaccination obligatoire constituait une restriction admissible du droit de manifester librement sa religion ou sa conviction car il s’agissait d’une mesure nécessaire pour la protection de la santé publique et des droits et libertés d’autrui. Les requérants contestèrent cette décision, sans succès, et introduisirent une demande de mesure provisoire pour pouvoir être scolarisés immédiatement.
La requête n° 43883/15 (Roleček c. République tchèque) a été introduite par Prokop Roleček, un ressortissant tchèque né en 2008 et résidant à Náměšt’ nad Oslavou (République tchèque).
Les parents du requérant, biologistes, décidèrent de faire établir un plan de vaccination individuel pour leur fils, qui fut vacciné, plus tard que prévu par le calendrier vaccinal, contre certaines des maladies pour lesquelles la législation imposait une vaccination, et qui ne reçut pas de vaccin contre les autres maladies. En 2010, les directeurs de deux écoles maternelles refusèrent d’admettre le requérant au motif que les conditions prévues par la loi (n° 258/2000) n’avaient pas été remplies. Le requérant contesta cette décision, mais il fut débouté.
Procédure
Les requêtes ont été introduites devant la Cour européenne des droits de l’homme entre 2013 et 2015. Les 7 et 9 septembre 2015 ces requêtes ont été communiquées2 au gouvernement tchèque, assorties de questions posées par la Cour. Le 17 décembre 2019, la chambre à laquelle ces affaires avaient été attribuées s’est dessaisie en faveur de la Grande Chambre.
Les requérants invoquent plusieurs articles de la Convention européenne des droits de l’homme, en particulier les articles 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) et 9 (droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion) de la Convention, ainsi que l’article 2 du Protocole n° 1 (droit à l’instruction) à la Convention.
Les gouvernements français, allemand, polonais et slovaque ont été autorisés à intervenir dans la procédure écrite ainsi que les organisations suivantes : the Association of Vaccine Injured Persons (Společnost pacientů s následky po očkování), the association Rozalio, the European Centre for Law and Justice, and the European Forum for Vaccine Vigilance.