La rupture résultant du refus par le salarié d'une modification de son contrat de travail proposée par l'employeur pour un motif non inhérent à sa personne, constitue un licenciement pour motif économique et le bien fondé d'un tel licenciement suppose que la modification du contrat de travail ait été consécutive à des difficultés économiques, à des mutations technologiques ou à une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité
Mme I... H..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° H 18-19.605 contre l'arrêt rendu le 16 mai 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 9), dans le litige l'opposant à la société Office du fonctionnel, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 mai 2018), Mme H... a été engagée le 17 juillet 2000 par la société Office du fonctionnel (la société ODF) en qualité d'assistante commerciale. En dernier lieu, elle exerçait à Paris les fonctions de chargée d'affaires. La société ODF a proposé à la salariée une modification du contrat de travail portant sur ses fonctions et son lieu de travail. A la suite de son refus de cette modification, Mme H... a été licenciée pour motif personnel le 3 juillet 2014.
2. Elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. Mme H... fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement notifié le 3 juillet 2014 était fondé sur une cause réelle et sérieuse et de rejeter ses demandes indemnitaires pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour violation de la priorité de réembauche, alors :
« 1° / que la rupture résultant du refus par le salarié d'une modification de son contrat de travail proposée par l'employeur pour un motif non inhérent à sa personne, constitue un licenciement pour motif économique relevant des dispositions des articles L 1222-6 et L 1233-3 du code du travail et de l'obligation de reclassement de l'article L 1233-4 dudit code ; qu'ayant retenu que le motif de la modification du contrat de travail refusée par l'exposante résidait dans la décision de l'employeur de réorganiser l'activité commerciale de l'entreprise non plus par secteurs géographiques mais par secteurs d'activités ''afin de répondre à l'évolution de la fonction commerciale et à la concentration des acteurs sur le marché'' et de regrouper tous les commerciaux à Saint Nicolas d'Aliermont en un lieu unique sous la direction du directeur des ventes ''afin de rationaliser les coûts de fonctionnement et permettre une plus grande cohésion de l'équipe'', ce dont il résultait que la rupture motivée par le refus d'accepter cette modification fondée sur un motif non inhérent à la salariée constituait un licenciement pour motif économique, la cour d'appel qui retient que le licenciement n'a pas une cause économique et décide qu'il repose sur une cause réelle et sérieuse dès lors que ''cette modification répond aux intérêts de l'entreprise et qu'elle n'a pas été imposée par malignité ou de mauvaise foi à la salariée, celle-ci ayant en outre disposé d'un délai raisonnable de réflexion et a pu poser des questions sur les conditions matérielles de ce changement de lieu de travail et obtenu des réponses de l'employeur à ce titre'' a violé les articles 1134 du code civil et L 1233-3 du code du travail dans leur rédaction applicable en la cause ;
2°/ qu'en jugeant que repose sur une cause réelle et sérieuse le licenciement de l'exposante consécutif à son refus d'accepter la modification de son contrat de travail pour un motif non inhérent à sa personne, dès lors que ''cette modification répond aux intérêts de l'entreprise et qu'elle n'a pas été imposée par malignité ou de mauvaise foi à la salariée, celle-ci ayant en outre disposé d'un délai raisonnable de réflexion et a pu poser des questions sur les conditions matérielles de ce changement de lieu de travail et obtenu des réponses de l'employeur à ce titre'', cependant que le bien fondé d'un tel licenciement suppose que la modification du contrat de travail ait été consécutive à des difficultés économiques, à des mutations technologiques ou à une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité, toutes circonstances nullement invoquées par l'employeur et que ce dernier même contestait, la cour d'appel a violé l'article L 1233-3 du code du travail dans sa rédaction applicable en la cause.
Réponse de la Cour
Vu l'article L.1233-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
4. La rupture résultant du refus par le salarié d'une modification de son contrat de travail, proposée par l'employeur pour un motif non inhérent à sa personne, constitue un licenciement pour motif économique.
5. Pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que la société ODF a décidé de réorganiser l'activité commerciale de l'entreprise non plus par secteurs géographiques mais par secteurs d'activités afin de répondre à l'évolution de la fonction commerciale et à la concentration des acteurs sur le marché, qu'elle a également décidé de regrouper tous les commerciaux à Saint Nicolas d'Aliermont (Seine-Maritime), en un lieu unique, afin de rationaliser les coûts de fonctionnement et permettre une plus grande cohésion de l'équipe. L'arrêt relève aussi que concernant l'activité économique de la société ODF, les rapports de gestion des exercices 2013 et 2014, le bilan et le compte de résultats de l'exercice 2014 révèlent que l'entreprise ne rencontrait pas de difficultés économiques, que la lettre de licenciement confirme cette situation économique de la société ODF en précisant la nécessité de maintenir sa compétitivité, étant relevé que le maintien de la compétitivité ne constitue pas en tant que tel un motif économique de licenciement à la différence de la sauvegarde de la compétitivité. L'arrêt ajoute qu'il se déduit de l'ensemble de ces éléments que le licenciement consécutif au refus de la salariée d'accepter la modification de son contrat de travail, et notamment la modification de son lieu de travail, n'a pas une cause économique, que le seul refus par le salarié d'une modification de son contrat de travail ne constitue pas en soi une cause réelle et sérieuse de licenciement et qu'il appartient à l'employeur de justifier qu'il s'est trouvé dans la nécessité de procéder à la modification du contrat de travail du salarié et ainsi de démontrer que cette modification répondait à l'intérêt de l'entreprise. L'arrêt retient également que la société ODF démontre en l'espèce la nécessité de procéder à la modification du lieu de travail de la salariée dans l'intérêt de l'entreprise et qu'elle n'a pas été imposée par malignité ou de mauvaise foi.
6. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le motif de la modification du contrat de travail refusée par la salariée résidait dans la volonté de l'employeur de réorganiser l'activité commerciale de l'entreprise et qu'il n'était pas allégué que cette réorganisation résultait de difficultés économiques ou de mutations technologiques ou qu'elle fût indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, en sorte que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute Mme H... de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de loyauté, l'arrêt rendu le 16 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur les points restant en litige, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société Office du fonctionnel aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Office du fonctionnel et la condamne à payer à Mme H... la somme de 3 000 euros ;