R. 621-11 du code de justice administrative
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Betton a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'ordonnance du 1er mars 2016 par laquelle la présidente du tribunal administratif de Rennes a taxé et liquidé les frais et honoraires de l'expertise réalisée par M. H... à la somme de 47 608,32 euros toutes taxes comprises (TTC), les a mis à la charge provisoire de la commune de Betton, et de réformer cette décision en ramenant le quantum de ces frais et honoraires dus à l'expert à de plus justes proportions.
Par un jugement n° 1602319 du 23 janvier 2019, le tribunal administratif de Nantes a réformé l'ordonnance de taxation du 1er mars 2016 en fixant à la somme de 31 691,52 euros TTC le montant des frais et honoraires dus à M. H... et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 mars et 29 août 2019, M. H..., représenté par Me G..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 23 janvier 2019 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) de fixer à la somme de 47 608,70 euros TTC le montant des frais et honoraires qui lui sont dus ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Betton la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est au terme d'une mauvaise appréciation de la mission qui lui était confiée, de son travail et des frais induits que le jugement a réduit le montant de ses frais et honoraires en ses points 5, 6, 9 et 10 ;
- le jugement réduit, sans motivation et au terme d'une erreur d'appréciation, ses frais d'expertise ;
- c'est à bon droit que l'ordonnance de la présidente du tribunal administratif de Rennes du 1er mars 2016 lui avait alloué la somme de 47 608,32 euros TTC.
Par un mémoire, enregistré le 16 mai 2019, le président du tribunal administratif de Rennes indique que la requête n'appelle pas d'observation de sa part.
Par un mémoire en défense, enregistrés le 25 juin 2019, la commune de Betton, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de M. H... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. H... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 2 mars 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 18 mars 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,
- et les observations de Me I..., représentant M. H..., et de Me D..., représentant la commune de Betton.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Betton (Ille-et-Vilaine) a entrepris la construction d'une gendarmerie sur son territoire. Des désordres, apparus postérieurement à la réception de l'ouvrage, ont donné lieu à une première expertise, ordonnée le 9 février 2005 par le président du tribunal de grande instance de Rennes, dont les conclusions ont été rendues le 31 mars 2009. Ces désordres ont entraîné une condamnation des constructeurs à hauteur de 209 880,98 euros par un jugement du tribunal administratif de Rennes du 31 décembre 2013. Après achèvement des travaux de reprise de ces désordres, la commune de Betton, constatant des moisissures et la présence importante d'eaux de condensation au droit des dormants inférieurs des fenêtres, a sollicité une nouvelle expertise relative à ces désordres. M. H..., désigné le 11 juin 2014 pour mener à bien cette expertise, a déposé ses conclusions le 20 janvier 2015 et les a complétées le 29 mai suivant. Par une ordonnance du 1er mars 2016 la présidente du tribunal administratif de Rennes a taxé et liquidé les frais de l'expertise à la somme totale de 53 003,52 euros TTC, dont 5 395,20 euros TTC pour le sapiteur, et 47 608,32 euros TTC pour l'expert. Par un jugement du 23 janvier 2019, dont l'intéressé relève appel, le tribunal administratif de Nantes, à la demande de la commune de Betton et sur le fondement de l'article R. 761-5 du code de justice administrative, a réformé cette ordonnance en fixant à la somme de 31 691,52 euros TTC les frais et honoraires de M. H....
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. L'article L. 9 du code de justice administrative dispose que : " Les jugements sont motivés ".
3. M. H... soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce que, en son point 12, au motif d'une juste appréciation, il réduit de 1 760 euros HT à 880 euros HT le montant de ses frais indemnisés afférents aux courriers, à la fourniture de notes et pré-rapports, et de rapports d'expertise. Toutefois, eu égard à la référence faite à divers points précisément mentionnés du même jugement au point 12 contesté, ainsi qu'à la mention selon laquelle de nombreux documents ont été inutilement établis et diffusés par l'expert, le jugement attaqué expose les motifs de cette réduction. Par suite, M. H... n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait irrégulier pour insuffisance de motivation.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Aux termes de l'article R. 621-11 du code de justice administrative : " Les experts et sapiteurs mentionnés à l'article R. 621-2 ont droit à des honoraires, sans préjudice du remboursement des frais et débours. / Chacun d'eux joint au rapport un état de ses vacations, frais et débours. / Dans les honoraires sont comprises toutes sommes allouées pour étude du dossier, frais de mise au net du rapport, dépôt du rapport et, d'une manière générale, tout travail personnellement fourni par l'expert ou le sapiteur et toute démarche faite par lui en vue de l'accomplissement de sa mission. / Le président de la juridiction, après consultation du président de la formation de jugement (...) fixe par ordonnance, conformément aux dispositions de l'article R. 761-4, les honoraires en tenant compte des difficultés des opérations, de l'importance, de l'utilité et de la nature du travail fourni par l'expert ou le sapiteur et des diligences mises en oeuvre pour respecter le délai mentionné à l'article R. 621-2. Il arrête sur justificatifs le montant des frais et débours qui seront remboursés à l'expert. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour fixer les frais et honoraires de l'expert, le président de la juridiction prend en compte les difficultés des opérations d'expertise, l'importance, l'utilité et la nature du travail fourni par l'expert et les diligences mises en oeuvre par l'expert pour respecter le délai qui lui est imparti pour déposer son rapport.
5. Il résulte de l'instruction que l'expert a retenu une méthode de facturation de ses honoraires reposant sur la définition d'unités de valeur, ou " vacations ", auxquelles il applique un tarif unitaire de 90 euros HT. Ces vacations sont facturées en fonction du temps passé, calculé en heures, lui-même pondéré au moyen d'un coefficient variable selon la nature ou la difficulté de l'activité. Ainsi l'expert a comptabilisé au total, 498 heures pondérées à 406 vacations, soit un total d'honoraires, hors taxes et hors frais, de 36 540 euros HT, outre les frais de fourniture de dossiers pour 1 760 euros HT et les frais divers pour 1 680 euros HT, soit un total de 39 980 euros HT et 47 976 euros TTC.
En ce qui concerne les études préalables :
6. En premier lieu, il résulte de la note d'honoraires présentée par M. H... que celui-ci a fixé à 20 vacations, représentant 20 heures, son temps passé à " l'étude préalable du dossier " pour la constitution d'annuaires des parties, " l'ouverture du dossier " et la recherche des adresses des parties et de leurs conseils. Cette expertise intervient après une première expertise et l'expert ne fait état d'aucune difficulté particulière dans l'établissement des annuaires des parties, comprenant leurs coordonnées. S'il indique que ce temps a également été consacré à l'étude du dossier, une telle assertion ne correspond pas à sa note d'honoraires qui mentionne au titre des heures en cause l'" ouverture du dossier ", sans d'ailleurs préciser en quoi celle-ci consisterait, alors qu'il a décompté des vacations distinctes au titre de l'étude de ce même dossier. Par suite, M. H... n'est pas fondé à soutenir qu'en retenant un temps limité à 10 heures affecté d'un coefficient de 0.5, soit 5 vacations, le jugement attaqué porterait une appréciation erronée sur sa rémunération au titre de cette activité.
7. En second lieu, l'expert, au point 5 de sa note d'honoraires, demande à être indemnisé à hauteur de 15 heures pour une note aux parties avec dispensation de conseils, 7 heures pour un exposé de méthodologie et le compte-rendu de la réunion n° 1 et 44 heures pour la rédaction de sa note n° 9 de synthèse, soit un total de 66 heures, correspondant après pondération à 60 vacations. Par le jugement attaqué ces vacations ont été réduites à 30. Si M. H... soutient que ces vacations concernent la rédaction de neuf notes dont la dernière correspond à un pré-rapport, sa note d'honoraires ne fait mention que de deux notes et d'un compte-rendu de réunion. Si par ailleurs la note n° 9 de synthèse mentionnée correspond au pré-rapport qu'il a remis, la même note d'honoraires comporte néanmoins une mention spécifique " 14 / établissement du pré-rapport " pour laquelle son rédacteur demande une indemnisation distincte, par renvoi à d'autres points de la même note, à hauteur de 142 vacations supplémentaires. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir qu'en réduisant à 30 vacations la rémunération qu'il demandait au titre d'une note au point 5 de son " mémoire d'évaluation des honoraires et des frais " le jugement attaqué méconnaitrait la réalité de son travail.
En ce qui concerne les diagnostics :
8. L'expert a demandé à être indemnisé de frais liés aux diagnostics thermiques qui ont été réalisés, en deux temps, dans 17 logements, et de la confection de trois tableaux relatifs à l'imputabilité des dommages constatés. Au titre de la seconde campagne de diagnostic M. H... sollicite ainsi le paiement de 69 vacations et, au titre de la réalisation de trois tableaux d'imputabilité, de 27 vacations. Le jugement attaqué a écarté les rémunérations sollicitées à ces deux titres.
9. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'afin de répondre aux interrogations de la commune de Betton relatives aux raisons de la présence de moisissures et d'importantes condensations au droit des dormants inférieurs des fenêtres, l'expert a décidé de procéder à un diagnostic de la VMC de la construction, confié à un sapiteur, réalisé en septembre 2014 et dont les conclusions ont été connues en janvier 2015, ainsi qu'à un diagnostic thermographique de l'ensemble des locaux. Ce dernier diagnostic a été effectué en deux fois en octobre et novembre 2014, puis une troisième campagne de diagnostic a été réalisée en février 2015 afin de bénéficier de températures extérieures basses. M. H... conteste la suppression par le tribunal administratif des 69 vacations dont il réclamait le paiement au titre des trois diagnostics thermiques. Il résulte de l'instruction, en particulier du mémoire en réplique du requérant, que ces 69 vacations correspondent précisément à des travaux d'analyse des diagnostics thermiques, qui sont mentionnés aux points 12-1, pour 25 vacations, 12-2, pour 26 vacations, et 12-3, dénommé de manière erronée 12-2, pour 18 vacations, du " mémoire " d'honoraires de M. H.... Ces analyses ont été réalisées en septembre et octobre 2015, à un moment où il était déjà admis que les moisissures et phénomènes de condensation constatés étaient dus aux dysfonctionnements de la VMC. De tels diagnostics et leurs analyses étaient alors totalement inutiles et M. H... n'est ainsi pas fondé à soutenir que c'est à tort que le jugement attaqué a supprimé les 69 vacations sollicitées pour leur rémunération.
10. En second lieu, il résulte de l'instruction que pour établir le partage de responsabilité sollicité par l'ordonnance de désignation, l'expert expose qu'il a opéré des calculs complexes, matérialisés dans trois tableaux, pour une durée de travail cumulée de 38 heures représentant 27 vacations. Il résulte néanmoins de l'instruction qu'au terme de son étude une seule cause des dommages a été identifiée et seulement cinq entreprises ont été identifiées comme responsables, dont trois membres du groupement de maîtrise d'oeuvre au titre du seul suivi du chantier. Dans ces conditions, à l'instar des premiers juges, il n'y a pas lieu d'indemniser M. H... au titre de ces 27 vacations.
En ce qui concerne les " frais de fourniture dossiers " :
11. Au titre de ses frais d'expertise M. H... a sollicité au point 2-A de son mémoire justificatif le versement de 1 760 euros HT pour des frais de " fourniture dossiers ", consistant en des courriers recommandés pour 210 euros, la fournitures de divers documents pour 150 euros et la confection de 28 rapports d'expertise pour 1 400 euros. Pour contester la réduction de moitié de cette somme par le tribunal, au point 12 du jugement attaqué qui, contrairement à ce qui est soutenu, est suffisamment motivé, M. H... se borne à faire état de ce qu'il " justifie à tous le moins s'être déplacé près de 9 fois pour effectuer des investigations sur l'ouvrage, ce qui représente près de 2160 km en voiture et occasionne des frais pour un montant de plus de 1.000,00 €, compte tenu de l'indemnité kilométrique retenue. ". En invoquant ainsi le nombre de kilomètres parcourus pour les déplacements par ailleurs mentionnés à la rubrique 2-B-6 de son " mémoire ", il ne saurait être regardé comme contestant utilement la réduction mentionnée ci-dessus des frais de " fourniture dossiers ".
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. H... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a fixé le montant de ses frais et honoraires à la somme de 31 691,52 euros TTC et a annulé l'ordonnance de taxation du 1er mars 2016 en tant qu'elle a fixé les frais et honoraires de l'expert à un montant supérieur à cette somme.
Sur les frais d'instance :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par M. H.... Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de ce dernier, sur le fondement des mêmes dispositions, la somme demandée par la commune de Betton.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. H... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Betton au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... H..., à la commune de Betton, au tribunal administratif de Rennes et à M. F....