Le Parlement européen était en droit d’adopter à Bruxelles, en deuxième lecture, le budget de l’Union pour 2018 Le Parlement peut, en effet, exercer une partie de ses pouvoirs budgétaires à Bruxelles, au lieu de Strasbourg, si des impératifs liés au bon fonctionnement de la procédure budgétaire l’exigent
En octobre 2015, le Parlement a adopté le calendrier de ses périodes de sessions plénières pour l’année 2017, prévoyant notamment la tenue de périodes de sessions plénières ordinaires à Strasbourg (France) et d’une période de session plénière additionnelle à Bruxelles (Belgique).
Le 29 juin 2017, la Commission a publié un projet de budget annuel de l’Union pour l’exercice 2018. Le 13 septembre 2017, le Conseil a transmis au Parlement sa position sur ce projet, le 31 octobre 2017, la procédure de conciliation budgétaire entre le Parlement et le Conseil a débuté. Le 18 novembre 2017, cette procédure a abouti à un accord sur un projet commun de budget annuel de l’Union pour l’exercice 2018.
Le Parlement a inscrit le débat et le vote sur ce projet à l’ordre du jour de la période de session plénière additionnelle des 29 et 30 novembre 2017 se tenant à Bruxelles. Par une résolution législative du 30 novembre 2017, le Parlement a approuvé ledit projet. À cette même date, le Conseil a approuvé le projet commun de budget annuel de l’Union pour l’exercice 2018 et le président du Parlement a constaté, en séance plénière, que le budget annuel de l’Union pour l’exercice 2018 était définitivement adopté.
La France a introduit un recours en annulation, devant la Cour de justice, à l’encontre, notamment, de la décision du président du Parlement par laquelle il a constaté l’adoption du budget de l’Union pour l’exercice 2018. Postérieurement à l’introduction de ce recours, la Cour a rejeté 1 le recours de la France tendant à l’annulation d’actes pris par le Parlement dans le cadre de la procédure d’adoption du budget de l’Union pour l’exercice 2017. À la suite du prononcé de cet arrêt, la France a maintenu son recours concernant le budget de l’Union pour l’exercice 2018.
La France, soutenue par le Luxembourg, reproche au Parlement d’avoir porté atteinte au protocole sur les sièges des institutions prévoyant, selon elle, que le Parlement serait tenu d’exercer le pouvoir budgétaire conféré par le TFUE, en principe, dans son intégralité au cours des périodes de sessions plénières ordinaires qui se tiennent à Strasbourg.
Se référant à l’arrêt rendu le 2 octobre 2018 (Arrêt du 2 octobre 2018 dans l’affaire France/Parlement (C-73/17) , la Cour rappelle dans son arrêt de ce jour que ce protocole et les dispositions du TFUE régissant la procédure budgétaire ont la même valeur juridique. Ainsi, les exigences du premier ne sauraient prévaloir sur celles du second, et réciproquement. L’application de ces exigences doit être effectuée, au cas par cas, dans le respect de la conciliation nécessaire de ces exigences et d’un juste équilibre entre celles-ci. Donc, si le Parlement est tenu d’exercer ses pouvoirs budgétaires au cours d’une période de session plénière ordinaire se tenant à Strasbourg, cette obligation ne fait pas obstacle à ce que le budget annuel soit, si des impératifs liés au bon déroulement de la procédure budgétaire l’exigent, débattu et voté lors d’une période de session plénière additionnelle se tenant à Bruxelles.
Il appartient au Parlement de concilier les exigences découlant tant dudit protocole que des impératifs liés au bon déroulement de la procédure budgétaire, ce pour quoi il dispose d’un pouvoir d’appréciation. Le contrôle de la Cour porte donc sur la question de savoir si le Parlement, en exerçant une partie de ses pouvoirs budgétaires au cours d’une période de session plénière additionnelle, a commis, à cet égard, des erreurs d’appréciation.
À cet égard, la Cour rappelle qu’elle a jugé dans son arrêt rendu le 2 octobre 2018 que, au moment de la fixation du calendrier des sessions plénières ordinaires, tant le recours à la procédure de conciliation que la date à laquelle cette procédure serait déclenchée et prendrait fin, le cas échéant, en raison d’un accord sur un projet commun de budget annuel, étaient par principe incertains. Estimant qu’aucun élément avancé dans le cadre de la présente procédure n’est de nature à justifier une autre appréciation, la Cour observe que le Parlement est demeuré dans les limites de son pouvoir d’appréciation lorsqu’il a fixé, en octobre 2015, son calendrier de sessions plénières ordinaires pour l’année 2017.
Dans la mesure où la France reprochait, en outre, au Parlement d’avoir violé le protocole sur les sièges des institutions en ayant omis de modifier son calendrier des sessions plénières ordinaires pour 2017 à la suite de l’établissement, au mois d’avril 2017, du calendrier pragmatique relatif à la procédure budgétaire pour l’exercice 2018, la Cour relève que, à ce moment-là, la question de savoir si et à quelle date le comité de conciliation pourrait effectivement parvenir à un accord de conciliation demeurait toujours incertaine. C’est pourquoi la Cour constate que le Parlement n’a pas non plus commis d’erreur d’appréciation en maintenant le calendrier des sessions plénières ordinaires pour l’année 2017, à la suite de l’établissement du calendrier pragmatique au mois d’avril de cette même année.
RAPPEL : Le recours en annulation vise à faire annuler des actes des institutions de l’Union contraires au droit de l’Union. Sous certaines conditions, les États membres, les institutions européennes et les particuliers peuvent saisir la Cour de justice ou le Tribunal d'un recours en annulation. Si le recours est fondé, l'acte est annulé. L'institution concernée doit remédier à un éventuel vide juridique créé par l'annulation de l'acte.
Source : COMMUNIQUE DE PRESSE n° 78/20