Avis relatif à la proposition de loi instaurant des mesures de sûreté à l'encontre des auteurs d'infractions terroristes à l'issue de leur peine
Assemblée plénière du 23 juin 2020 (adoption à 42 voix « pour » et cinq abstentions)
1. La sortie de prison des détenus « djihadistes », ou « radicalisés », suscite régulièrement des craintes au sein de la classe politique, des médias et plus largement de la population (1). La perspective de la libération de quarante-trois d'entre eux en 2020, d'une soixantaine en 2021, et de quarante-six en 2022 (2), a amené des parlementaires à déposer des propositions de loi à l'Assemblée nationale et au Sénat, sensiblement identiques, afin d'instaurer des mesures de sûreté à leur encontre s'ils s'avèrent toujours « dangereux » (3). La première vient d'être adoptée le mardi 23 juin par la majorité des députés (4). Preuve de la précipitation dans laquelle le texte a été rédigé, il a dû être fortement remanié à la suite de l'avis du Conseil d'Etat, rendu public tardivement (5).
2. Cette proposition de loi est discutée alors que le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) a rendu public son rapport sur la prise en charge pénitentiaire des personnes radicalisées (6). En pratique, ces détenus ne pouvant pas bénéficier d'une libération conditionnelle, le CGLPL souligne qu'en l'absence de préparation à la sortie, « les sorties sont “sèches” » (7). Il ajoute que « les démarches d'insertion et de préparation des projets [de sortie] se heurtent en outre à la mise en application de mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance, qui constituent une contrainte supplémentaire à l'accomplissement des démarches - administratives, professionnelles, à l'extérieur » (8).
3. La proposition de loi se présente justement comme un moyen de prolonger les outils de surveillance d'une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance (MICAS) (9) au-delà de sa durée d'application maximale d'un an, à travers notamment la présentation périodique aux services de police, l'interdiction de paraître en un lieu déterminé, l'interdiction de fréquenter certaines personnes, etc. En effet, les mesures de sûreté envisagées s'apparentent quasiment, en toute logique (10), aux MICAS, à la différence qu'elles peuvent être renouvelées jusqu'à cinq ans par la juridiction régionale de la rétention de sûreté, voire jusqu'à dix ans « lorsque les faits commis par le condamné constituent un crime ou un délit puni de dix ans d'emprisonnement ». La proposition de loi innove toutefois en prévoyant la possibilité de soumettre un sortant de prison jugé « dangereux » à une prise en charge sanitaire, sociale, éducative ou psychologique, destinée à « permettre sa réinsertion et l'acquisition des valeurs de la citoyenneté », mesure éventuellement assortie d'une assignation à résidence en un lieu dédié.
4. Préoccupée par les atteintes apportées par cette proposition de loi à la liberté d'aller et venir ainsi qu'au respect de la vie privée et familiale des personnes susceptibles d'être visées par ces mesures de sûreté, et ce alors qu'elles ont purgé leur peine, la CNCDH a décidé de s'auto-saisir. A titre liminaire, la CNCDH souhaiterait faire part d'un certain nombre d'observations.
5. Un objectif légitime tel que la lutte contre le terrorisme ne saurait s'affranchir du respect des droits et principes de valeur constitutionnelle, ainsi que des textes internationaux relatifs aux droits de l'homme. La CNCDH a déjà pu relever que la lutte contre le terrorisme donne lieu depuis de nombreuses années, tant en matière de police administrative qu'en droit pénal, à des mesures d'exception, toujours plus attentatoires aux droits et libertés fondamentaux (11). Cette fuite en avant, tant dans la répression sans cesse accrue des auteurs d'infractions terroristes que dans la volonté de neutraliser les personnes dites « radicalisées » le plus en amont possible d'un acte délictueux, mais aussi comme en l'espèce en aval de l'exécution de la peine, est vouée à une quête sans fin en l'absence de « risque zéro ».
6. La CNCDH constate que ce nouveau régime de sûreté repose une fois encore sur la notion de « dangerosité », qu'elle avait déjà qualifiée dans le passé de « notion émotionnelle dénuée de fondement scientifique » (12). La dangerosité s'est affirmée, ces dernières années, comme le nouveau paradigme de l'action des pouvoirs publics, spécialement en matière de terrorisme (13). La Commission rappelle que le système judiciaire français se fonde sur un fait prouvé et non sur la prédiction aléatoire d'un comportement futur. Elle s'inquiète donc de l'instauration de mesures restrictives de liberté reposant sur un fondement aussi incertain, source inévitable d'arbitraire.
7. La CNCDH souhaiterait également souligner la diversité des « auteurs d'infraction terroriste » visés par la loi. Ces infractions couvrent ainsi un spectre d'agissements très large : le financement d'un projet d'attentat, la participation aux préparatifs d'un acte terroriste, le fait de ne pas pouvoir justifier de ressources correspondant à son train de vie tout en étant en relations habituelles avec une personne qui finance une entreprise terroriste, des dégradations et détériorations matérielles, les tentatives de départ en zone irako-syrienne, etc (14). Par ailleurs, l'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste (15), systématiquement retenue pour les retours de cette zone, est appréciée de manière large par la jurisprudence, qui n'exige pas de « caractérisation précise des projets d'attentat » (16). Autrement dit, il devrait revenir aux pouvoirs publics de ne pas alimenter la figure fantasmatique d'une incarnation du mal trop souvent attachée aux personnes condamnées pour des actes terroristes, quelle que soit leur gravité.
8. Enfin, si la CNCDH ne saurait trancher avec certitude la question de savoir si ces mesures de sûreté s'apparentent à des peines, subordonnées alors au principe de non-rétroactivité de la loi pénale, un certain nombre d'éléments lui paraissent néanmoins plaider en ce sens. En tout état de cause, la CNCDH considère que le dispositif de surveillance prévu par la proposition de loi porte une atteinte ni nécessaire, ni adaptée, ni proportionnée aux droits et libertés fondamentaux des personnes qui ont exécuté leur peine, et ce d'autant plus que l'ensemble de l'édifice sécuritaire ainsi mis en place repose sur un fondement aussi fragile que celui de la dangerosité.
Une dangerosité terroriste introuvable, source d'arbitraire
9. Contraints de revoir leur copie à la suite de l'avis du Conseil d'Etat, les députés se sont lancés en commission dans une aventure périlleuse : mieux caractériser la dangerosité terroriste. A cette fin, ils ont tenté de trouver un interstice entre le danger réalisé, à savoir l'incrimination de l'acte de terrorisme (17), et le danger hypothétique d'un nouveau passage à l'acte. Il en résulte la précision improbable suivante que la dangerosité doit être caractérisée par « une adhésion persistante à une entreprise tendant à troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur et à une probabilité très élevée de récidive ».
10. Au sein de cette addition d'incertitudes, il convient de relever tout particulièrement la notion d'« entreprise tendant à » qui se substitue à celle d'« entreprise ayant pour but de » : que recouvre-t-elle exactement sinon une entreprise qui pourrait avoir pour but de troubler gravement l'ordre public ? La proposition de loi n'en finit pas de creuser le sillon des probabilités. En réalité, au stade de l'évaluation de la dangerosité des détenus en fin de peine, ce seront des convictions, quelles qu'elles soient, politiques, religieuses ou philosophiques, qui seront au cœur des préoccupations de la commission pluridisciplinaire : la CNCDH ne peut que renouveler son inquiétude à l'égard d'une dérive vers ce qui pourrait s'apparenter à une police de la pensée (18).
Peines ou mesures de sûreté : la question de l'application immédiate de la loi
11. Soucieux de pouvoir soumettre, dès l'adoption de la loi, les auteurs d'infraction terroriste à une surveillance étroite, les députés insistent dans les motifs de la proposition de loi sur le fait que les obligations ou interdictions proposées relèvent du régime des mesures de sûreté. Ce faisant, les parlementaires souhaitent s'affranchir du principe de non-rétroactivité de la loi pénale garanti par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui ne vaut que pour les peines. La CNCDH souligne toutefois que le Conseil constitutionnel et la Cour de cassation, ainsi que la Cour européenne des droits de l'homme, ne sont pas liés par la qualification retenue par le législateur.
12. Or, s'agissant de la distinction entre les notions de peine et de mesures de sûreté, capitale du point de vue de leur application dans le temps, la CNCDH souhaite formuler quelques observations afin d'inciter les parlementaires à la plus grande prudence.
13. Les mesures de sûreté et les peines se distinguent moins par leur contenu respectif que par l'objectif, préventif ou punitif, qui leur est assigné. Or le mélange des genres est courant en la matière. Le contenu du suivi socio-judiciaire, par exemple, s'apparente de prime abord à des mesures de prévention de la récidive, autrement dit à des « mesures de sûreté ». Pourtant, la Cour de cassation a qualifié de peine le suivi socio-judiciaire, plus exactement de « peine complémentaire » (19), parce qu'il est prononcé par une juridiction de jugement. A l'inverse, la surveillance judiciaire, dont le contenu est en tous points comparable à celui du suivi socio-judiciaire, mais qui est ordonnée par le juge d'application des peines et limitée à la durée des réductions de peine dont bénéficie le condamné, n'a pas été qualifiée de « peine » par le Conseil constitutionnel mais de « modalité d'exécution de la peine » (20), à savoir une mesure qui, en droit français au moins, obéit au principe de l'application immédiate de la loi pénale, contrairement à la peine elle-même, sauf lorsque ladite mesure aggrave la situation du condamné (21). Enfin, la CNCDH relève que, si la rétention de sûreté n'a pas été considérée par le Conseil constitutionnel comme une peine, ce dernier a déclaré contraire à l'article 8 de la DDHC son application rétroactive à des faits antérieurs à la loi, laissant entendre qu'en raison de sa gravité cette mesure devait être assimilée, en quelque sorte, à une sanction punitive, c'est-à-dire à une peine. On le voit, la question n'est pas simple.
14. Soucieux de rattacher le dispositif de surveillance ici évoqué à un régime de sûreté, le législateur a pris soin d'en confier la mise en œuvre à la juridiction régionale de la rétention de sûreté, créée par la loi de 2008 relative à la rétention de sûreté. On relèvera toutefois que ces mesures demeurent étroitement liées aux faits qui ont donné lieu à une condamnation : la durée maximale de la surveillance peut ainsi être portée de cinq à dix ans si « les faits commis par le condamné constituent un crime ou un délit puni de dix ans d'emprisonnement », ou de trois à cinq ans s'il s'agit d'un mineur, sans distinction d'âge. Même si cette durée est plus courte pour les mineurs, la CNCDH regrette vivement que la question de leur dangerosité soit appréhendée dans les mêmes termes que celle des majeurs, en l'absence de toute prévision d'un traitement spécifique à leur égard.
15. Si l'on ajoute à cette durée, très longue, que la violation de chacune des obligations ou interdictions est punie d'une peine de trois ans d'emprisonnement (22), la dureté de la surveillance ainsi exercée n'est pas sans évoquer celle attachée à une peine stricto sensu. C'est d'autant plus vrai s'agissant en particulier de la huitième mesure pouvant consister dans une assignation à résidence dans un « établissement d'accueil adapté » : en l'absence de précisions tant sur la nature exacte de ce dernier que sur le degré de contrainte de la prise en charge du condamné (23), la CNCDH craint qu'elle ne confine à une privation de liberté (24). A cet égard, il convient de rappeler que le Conseil constitutionnel avait déclaré non conforme à la Constitution l'application rétroactive de la rétention de sûreté « eu égard à sa nature privative de liberté » (25).
16. Dans le même sens, la Cour européenne des droits de l'homme confère à la notion de « peine » contenue à l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, article consacrant notamment le principe de non-rétroactivité des peines, une portée autonome. En ce sens, elle n'est pas liée par les qualifications juridiques internes et s'attache à analyser la gravité d'une disposition litigieuse, et plus largement son impact sur la personne qui en fait l'objet (26). C'est pourquoi, au regard de sa durée maximale, de la privation de liberté encourue en cas de manquement aux obligations prévues, ainsi que des répercussions sur la vie de la personne concernée, cette mesure d'assignation à résidence pourrait être assimilée, dans ce contexte, à une « peine », au sens de l'article 7 de la CEDH, soumise donc au principe de la non-rétroactivité.
Un dispositif de surveillance ni nécessaire, ni adapté, ni proportionné
17. Selon la formule consacrée du Conseil constitutionnel « il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public (…) et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties ». Les mesures de sûreté prévues par la proposition de loi portent atteinte à la liberté d'aller et venir, ainsi qu'au respect de la vie privée et familiale, protégés par les normes tant constitutionnelles qu'internationales et européennes (27). Or, la CNCDH estime que cette proposition de loi ne satisfait pas aux trois critères habituellement retenus pour apprécier la constitutionnalité ou la conventionalité d'une atteinte aux libertés : la nécessité, l'adaptation et la proportionnalité.
Un dispositif non nécessaire
18. Les auteurs d'infraction terroriste sortant de prison font déjà l'objet de nombreuses mesures de surveillance. D'abord, depuis la loi relative au renseignement de 2015 (28), leur inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions terroristes (FIJAIT) est assortie d'un certain nombre d'obligations : justifier de son domicile tous les 3 mois ; déclarer tout changement d'adresse dans les 15 jours de ce changement ; déclarer tout déplacement à l'étranger au moins 15 jours avant le départ (29). Ensuite, si ces personnes représentent une « menace d'une particulière gravité pour la sécurité » en lien avec le terrorisme, elles peuvent faire l'objet d'une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance (30) (MICAS), déjà très critiquée par la CNCDH (31), dans la mesure où elle s'inscrit elle-même dans une logique de suspicion faiblement étayée. Et surtout, ces personnes peuvent faire l'objet, si nécessaire, d'une surveillance spécifique par les services de renseignement.
19. La proposition de loi pose deux conditions à l'utilisation de ces mesures de sûreté : que celles qui accompagnent l'inscription au fichier FIJAIT « apparaissent insuffisantes », et qu'elles-mêmes « constituent l'unique moyen judiciaire (32) de prévenir la commission d'infractions [terroristes] ». Dans la droite ligne des observations formulées en introduction de cet avis, ces mesures de sûreté reposent donc sur une logique de détection précoce d'un agent perturbateur en l'absence d'indices tangibles laissant présumer la préparation d'une infraction - en présence de ces indices, des poursuites pourraient être engagées. Face à une exigence d'interprétation confinant au divinatoire, la CNCDH s'interroge sur la nécessité d'un dispositif de surveillance aussi intrusif, qui ne manquera pas de produire des effets contreproductifs en suscitant ou en aggravant des comportements hostiles vis-à-vis des institutions publiques (33).
Un dispositif inadapté
20. D'après une étude américaine publiée en avril dernier, non seulement le risque de récidive terroriste djihadiste est surestimé mais il « survient, dans la plupart des cas, dès les premiers mois après la libération » (34). De ce point de vue, la mise en place d'un dispositif étroit de surveillance et de contrôle des sortants de prison, susceptible de s'étendre sur plusieurs années, ne paraît pas constituer une mesure appropriée.
21. Par ailleurs, la proposition de loi confie le soin d'apprécier la dangerosité du condamné à la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté prévue à l'article 763-10 du code de procédure pénale, dont la décision reposera en grande partie sur une évaluation psychiatrique et psychologique (35). La CNCDH rappelle à ce propos combien il est difficile d'établir la dangerosité criminologique, ici détachée de tout trouble mental (36), des personnes condamnées pour des actes terroristes. Les travaux récents ont montré la complexité des facteurs et variables des processus d'engagements violents (37).
22. Outre l'avis de cette commission, l'évaluation in fine du risque de récidive sera également fondée sur une appréciation subjective des membres de la juridiction régionale de la rétention de sûreté (38), à partir d'impressions reposant sur des informations émanant des renseignements pénitentiaires. Or, comme le CGLPL l'a récemment relevé, « les observations des agents pénitentiaires, qui deviennent les critères officiels d'évaluation de la “radicalisation”, sont imprécis et intéressent principalement la pratique religieuse » (39).
23. Enfin, ce dispositif ne paraît pas adapté en raison du risque de dissimulation des personnes arrivant en fin de peine. Une dissimulation qui peut jouer à deux niveaux : d'une part, des personnes ayant effectivement un nouveau projet criminel pourraient aisément adopter une conduite irréprochable afin de convaincre les membres de la commission de leur non-dangerosité ; d'autre part, et à l'inverse, la commission, elle-même consciente de ce risque de dissimulation, pourrait avoir tendance à se méfier des sortants de prison dont le comportement en détention peut paraître trop exemplaire pour être sincère. La question de la dissimulation se pose de manière particulière en matière de terrorisme islamiste (40).
Un dispositif non proportionné
24. La surveillance des personnes prévue par la proposition de loi s'avère très étroite et contraignante, en particulier lorsqu'elle s'exerce par une obligation de pointer trois fois par semaine auprès des services de police ou pire encore par la voie particulièrement intrusive d'une prise en charge sanitaire, sociale, éducative et psychologique assortie d'une assignation à résidence. Or, non seulement la durée, même réduite, de la restriction de la liberté d'aller et venir des personnes - jusqu'à dix ans - et de l'empiètement sur leur vie privée et familiale, peut atteindre une longueur considérable, mais encore des mesures aussi graves seront décidées à partir de la dangerosité des intéressés, notion aussi malaisée à appréhender du point de vue théorique qu'à évaluer en pratique.
25. Au total, en restreignant aussi longtemps et aussi fortement les libertés fondamentales des personnes à partir d'un critère de « dangerosité », imprécis et donc d'appréciation aléatoire, la proposition de loi porte une atteinte manifestement disproportionnée à leur exercice.
26. En conclusion, la CNCDH appelle les pouvoirs publics à revenir sur ce dispositif de surveillance et à s'en tenir aux techniques traditionnelles du renseignement pour la surveillance des personnes effectivement susceptibles de représenter une menace pour l'ordre public. La Commission les invite également à réexaminer les modalités de prise en charge en prison des personnes dites « radicalisées », le CGLPL ayant récemment conclu son rapport en la matière sur un constat d'échec. La priorité à l'heure actuelle est à la reconstruction de ces personnes, à leur accompagnement dans la recherche d'un emploi et d'un domicile : la CNCDH insiste une fois encore sur la nécessité d'œuvrer en faveur de leur réinsertion, seul gage véritable d'une prévention de la récidive.
(1) Voir not. : A. S. Faivre Le Cadre, « Ce que l'on sait des 450 détenus radicalisés qui seront libérés d'ici à 2019 », Le Monde, 13 juin 2018 ; P. Gonzalès et P. Sautreuil, « Nicole Belloubet annonce que 43 djihadistes sortiront de prison en 2020 », Le Figaro, 24 février 2020.
(2) Selon les chiffres du ministère de l'Intérieur cités dans les motifs de la proposition de loi à l'Assemblée nationale instaurant des mesures de sûreté à l'encontre des auteurs d'infractions terroristes à l'issue de leur peine.
(3) Assemblée nationale, Proposition de loi instaurant des mesures de sûreté à l'encontre des auteurs d'infractions terroristes à l'issue de leur peine, 10 mars 2020 ; Sénat, Proposition de loi renforçant la lutte contre le terrorisme et le suivi des condamnés terroristes à leur sortie de détention, 4 mars 2020.
(4) Les débats à l'Assemblée nationale s'étant achevés tard dans la nuit, le présent avis porte sur le texte de la proposition de loi à l'issue de son examen par la Commission des lois le 17 juin 2020.
(5) En l'absence de publicité de cet avis avant le 19 juin au soir, c'est non seulement le débat public qui a été altéré mais également le débat parlementaire puisque les députés de l'opposition n'en ont eu connaissance que la veille de l'examen en Commission des lois.
(6) CGLPL, « Prise en charge pénitentiaire des personnes « radicalisées » et respect des droits fondamentaux », Janvier 2020.
(7) Ibid., p. 43.
(8) Ibid, p. 101.
(9) Art. L. 228-1 et s. du code de la sécurité intérieure.
(10) Pour rappel, ces MICAS ont été introduites par la loi n° 2017-510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (ou loi SILT) qui a transposé dans le droit commun des pouvoirs de police issus de l'état d'urgence, assortis de garanties supplémentaires, régime d'exception consistant à remettre aux autorités administratives les prérogatives des autorités judiciaires…
(11) Avis sur le suivi de l'état d'urgence, JORF n° 48 du 26 février 2016 texte n° 102 ; Avis sur le suivi de l'état d'urgence et les mesures anti-terroristes de la loi du 21 juillet 2016, JORF n° 54 du 4 mars 2017 texte n° 83 ; Avis sur le projet de loi visant à renforcer la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, JORF n° 269 du 18 novembre 2017 texte n° 76.
(12) CNCDH, Avis sur le projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pour cause de trouble mental, 2008.
(13) Formulées en d'autres termes, mais s'inscrivant dans la même logique, les MICAS sont prévues pour toute personne à l'égard de laquelle il existe des « raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics et qui soit entre en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme, soit soutient, diffuse, lorsque cette diffusion s'accompagne d'une manifestation d'adhésion à l'idéologie exprimée, ou adhère à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes ». Voir également s'agissant des autorités judiciaires : C. Besnier et S. Weill (dir.), « Les filières djihadistes en procès - approche ethnographique des audiences criminelles et correctionnelles (2017-2019) », Rapport final de recherche, Mission de recherche Droit et Justice, Décembre 2019, disponible à : http://www.gip-recherche-justice.fr/publication/etude-pluridisciplinaire.... Les chercheurs ont pu observer chez les magistrats, « la volonté de neutraliser [le terrorisme] en anticipant le passage à l'acte lié à la dangerosité ».
(14) Voir les articles 421-1 à 421-6 du code pénal, visés par la proposition de loi (à l'exclusion des infractions visées aux articles 421-2-5 et 421-2-5-1 du code pénal).
(15) Art. 421-2-1 du code pénal.
(16) C. Besnier et S. Weill (dir.), « Les filières djihadistes en procès - approche ethnographique des audiences criminelles et correctionnelles (2017-2019) », Rapport final de recherche, Mission de recherche Droit et Justice, Décembre 2019, p. 81.
(17) D'après l'article 421-1 du code pénal, « constituent des actes de terrorisme, lorsqu'elles sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur, les infractions suivantes : atteintes volontaires à la vie, etc. ».
(18) La CNCDH pointait déjà ce risque de dérive dans son avis sur les politiques publiques de prévention de la radicalisation : Avis sur la prévention de la radicalisation, JORF n° 77 du 1er avril 2018 texte n° 46.
(19) Cass. Crim., 18 février 2004, n° 03-84182, Bull. crim. 2004, n° 47.
(20) Décision n° 2005-527 DC du 8 décembre 2005, Loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales.
(21) Art. 112-2, 3° du code pénal.
(22) En comparaison, le non-respect des obligations attachées à l'inscription au fichier judiciaire national des auteurs d'infractions terroristes (cf infra), est puni d'une peine de deux ans : art. 706-25-7 du code de procédure pénale.
(23) La proposition de loi renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de préciser les conditions et les modalités de son application.
(24) Le Conseil constitutionnel estime qu'une assignation à résidence au-delà de douze heures constitue une atteinte à la liberté individuelle.
(25) CC, Décision n° 2008-562 DC du 21 février 2008, § 10.
(26) Voir not : CourEDH, Gde ch., 4 décembre 2018, Ilnseher c. Allemagne, req. n° 10211/12 et 27505/14, § 203.
(27) Voir not. les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789 ; l'article 8 de la CEDH, ainsi que l'article 2 de son Protocole n° 4 ; les articles 7 et 45 de la Charte des droits fondamentaux ; les articles 12 et 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
(28) Loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement.
(29) Art. 706-25-7 du code de procédure pénale.
(30) Art. L. 228-1 du code de sécurité intérieure.
(31) CNCDH, Avis sur le projet de loi visant à renforcer la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, JORF n° 269 du 18 novembre 2017 texte n° 76.
(32) Cette précision apportée en commission des lois vise à tenir compte des autres dispositifs de suivi existants : notamment si la juridiction de jugement a prononcé un suivi socio-judiciaire, ou dans l'hypothèse exceptionnelle où une surveillance judiciaire est possible.
(33) La CNCDH a déjà souligné dans le passé les effets contre-productifs de certains dispositifs de lutte contre la radicalisation, en raison de leur approche stigmatisante et discriminatoire : Avis sur la prévention de la radicalisation, JORF n° 77 du 1er avril 2018 texte n° 46.
(34) J.-P. Stroobants, « Le risque de récidive terroriste djihadiste serait surestimé, selon une comparaison internationale », Le Monde, 28 avril 2020.
(35) Art. R. 61-11 du code de procédure pénale : « L'examen de dangerosité prévu par l'article 763-10 est réalisé par un psychiatre et un psychologue titulaire d'un diplôme d'études supérieures spécialisées ou d'un mastère de psychologie ». En plus du psychiatre et du psychologue, la Commission est composée d'un magistrat, du préfet de région, du directeur interrégional des services pénitentiaires, d'un représentant d'une association d'aide aux victimes, d'un avocat membre du conseil de l'ordre (R. 61-8 du code de procédure pénale).
(36) Il faut distinguer entre d'une part, la dangerosité criminologique, assimilée au risque de récidive et, d'autre part, la dangerosité psychiatrique qui vise à évaluer l'éventuelle altération ou abolition du discernement au terme d'une expertise psychiatrique.
(37) Voir par exemple parmi les nombreux travaux récents sur le sujet, X. Crettiez, R. Seze (dir.), « Saisir les mécanismes de la radicalisation violente : pour une analyse processuelle et biographiques des engagements violents », Rapport de recherche pour la Mission de recherche, Droit et Justice, Avril 2017 ; L. Bonelli, F. Carié, La fabrique de la radicalité, Une sociologie de jeunes djihadistes français, Le Seuil, 2018.
(38) Cette juridiction est composée d'un président de chambre et de deux conseillers de la cour d'appel (R. 53-8-40 du code de procédure pénale).
(39) Rapport CGLPL, 2020, p. 22. Dans le même sens, voir l'étude du CREDOF sur le contentieux administratif relatif à l'état d'urgence :
(40) La question de la dissimulation se pose de manière particulière en matière de terrorisme islamiste. Dans les « procès terroristes », notamment, la notion de taqiya - qui correspond à l'art de la dissimulation prôné par les musulmans pour éviter les persécutions - est très présente. D'après les chercheurs, cette notion est « une clé de lecture implicite majeure des magistrats et peut introduire une présomption de culpabilité » : l'absence de preuves matérielles d'une complicité dans la préparation d'un attentat, par exemple, peut se retourner contre le prévenu ou l'accusé. Voir : C. Besnier et S. Weill (dir.), « Les filières djihadistes en procès - approche ethnographique des audiences criminelles et correctionnelles (2017-2019) », Rapport final de recherche, Mission de recherche Droit et Justice, Décembre 2019, p. 96.