Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Nîmes, 17 janvier 2019), l’association Club taurin Lou Rastouble (l’association), assurée auprès de la société Gan assurances (la société Gan), a organisé, le 28 juillet 2012, une manifestation taurine supervisée par M. X..., manadier, consistant en un lâcher de deux taureaux entourés de cavaliers, au nombre desquels se trouvait M. Z..., qui montait son propre cheval.
2. M. Y..., qui assistait au défilé, a été blessé par le cheval de M. Z..., qui s’est emballé.
3. M. Y... a assigné M. Z..., l’association, la société Gan et M. X... en réparation de ses préjudices, en présence de la mutualité sociale agricole du Languedoc et de son propre assureur, la société Aviva assurances.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi incident de l’association et de la société Gan, ci-après annexé
4. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. M. X... fait grief à l’arrêt de dire qu’il est responsable, sur le fondement de l’article 1385 du code civil, de l’accident du 28 juillet 2012, de dire que la victime devait être indemnisée intégralement des préjudices subis du fait de cet accident, de dire qu’il serait tenu in solidum avec l’association à l’indemniser de l’intégralité de ses préjudices, d’ordonner une expertise médicale, et de le condamner, in solidum avec l’association, à payer à M. Y... une provision à valoir sur son indemnisation définitive à hauteur de 6 000 euros, alors « que le cavalier propriétaire de son cheval n’en transfère la garde à un tiers que si ce dernier a reçu les pouvoirs d’usage, de direction et de contrôle sur l’animal ; que tel n’est pas le cas du tiers qui dispose de prérogatives limitées consistant à donner des directives au cavalier, lequel conserve seul la maîtrise de sa monture ; qu’en l’espèce, M. Z..., propriétaire et cavalier du cheval qui a causé l’accident, gardait l’usage, la direction et le contrôle de son cheval, même s’il recevait des instructions de M. X..., manadier ; que pour juger que M. X... était le gardien du cheval, la cour d’appel a relevé que M. Z... agissait sous ses ordres et directives (arrêt, p. 10 § 3) ; qu’en statuant ainsi, tandis que le pouvoir d’instruction du manadier ne suffisait pas à lui transférer la garde du cheval, la cour d’appel a violé l’article 1385 du code civil dans sa rédaction applicable à l’espèce. »
Réponse de la Cour
Vu l’article 1385, devenu 1243, du code civil :
6. La responsabilité édictée par ce texte à l’encontre du propriétaire d’un animal ou de celui qui s’en sert est fondée sur l’obligation de garde corrélative aux pouvoirs de direction, de contrôle et d’usage qui la caractérisent.
7. Pour confirmer le jugement en ce qu’il dit que M. X... est responsable, sur le fondement de l’article 1385 du code civil, de l’accident du 28 juillet 2012, que l’association et M. X... seront tenus in solidum à l’intégralité des préjudices subis par M. Y... et condamne in solidum l’association et M. X... à payer à M. Y... une provision de 6 000 euros à valoir sur son indemnisation définitive, l’arrêt retient qu’il est admis que le manadier, propriétaire des animaux, conserve leur garde directement ou par l’intermédiaire de ses préposés, et supporte la responsabilité des dommages occasionnés par les animaux intervenant dans la manifestation taurine ; qu’il est constant que M. X..., directeur de la manade Le Seden, n’était pas le propriétaire du cheval monté par M. Z..., et que ce dernier n’était pas son préposé ; que M. Z... en qualité de propriétaire du cheval en est présumé gardien en application de l’article 1385 du code civil dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016 ; que pour autant, il revient au manadier d’établir le parcours de l’abrivado, de sélectionner les chevaux et les cavaliers et de leur assigner la place qui convient dans l’escorte ; que M. Z..., bien que n’étant pas le salarié de M. X..., s’intégrait avec son cheval dans la manifestation taurine aux côtés de sept autres cavaliers et dirigeait les taureaux en tête.
8. L’arrêt en déduit que bien que non salarié de M. X..., M. Z... agissait en qualité de gardian sous les ordres et directives du manadier M.X..., lequel bénéficiait, de ce fait, d’un transfert de garde de l’animal impliquant une responsabilité de plein droit, sur le fondement de l’article 1385 du code civil, pour les dommages occasionnés par le cheval qui, s’étant emballé, a échappé à la manade et renversé M. Y....
9. En statuant ainsi, alors que le seul pouvoir d’instruction du manadier, dont elle constatait qu’il n’avait pas la qualité de commettant, ne permettait pas de caractériser un transfert de garde et qu’il résultait de ses propres constatations que M. Z..., propriétaire du cheval, en était également le cavalier, ce dont il résultait qu’il avait conservé au moins les pouvoirs d’usage et de contrôle de l’animal, dont la garde ne pouvait pas avoir été transférée, de ce fait, la cour d’appel a violé le texte sus-visé.
Sur la portée et l’étendue de la cassation
10. La cassation partielle de l’arrêt déféré ne remet en cause ni les condamnations prononcées à l’encontre de l’association ni les chefs de dispositif de l’arrêt relatifs au droit à indemnisation intégrale de la victime et à la mise en oeuvre d’une mesure d’expertise médicale.
PAR CES MOTIFS, sans qu’il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen unique du pourvoi principal, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il confirme le jugement qui a dit que M. X... est responsable, sur le fondement de l’article 1385 du code civil, de l’accident du 28 juillet 2012, dit que M. X... sera tenu d’indemniser M. Y... de l’intégralité de ses préjudices et condamné M. X... à payer, in solidum avec l’association Club taurin Lou Rastouble, à M. Y... une provision de 6 000 euros, l’arrêt rendu le 17 janvier 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Nîmes ;
Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Montpellier ;