Cour de cassation 

chambre civile 2 
Audience publique du jeudi 5 mars 2020 
N° de pourvoi: 19-11293 

Non publié au bulletin Cassation



M. Pireyre (président), président 

SCP Didier et Pinet, SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s) 






Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : 

CIV. 2

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 mars 2020

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 268 F-D

Pourvoi n° T 19-11.293

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 MARS 2020

La Caisse régionale d'assurance mutuelle agricole (CRAMA) Bretagne-Pays de Loire, dite Groupama Loire Bretagne, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° T 19-11.293 contre l'arrêt rendu le 27 novembre 2018 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile B), dans le litige l'opposant à M. F... E..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Besson, conseiller, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de la Caisse régionale d'assurance mutuelle agricole Bretagne-Pays de Loire, dite Groupama Loire Bretagne, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. E..., et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 janvier 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Besson, conseiller rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et Mme Cos, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 27 novembre 2018), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 8 février 2018, pourvoi n° 16-20.951), M. E... et Mme H... ont été déclarés civilement responsables, par un arrêt de la cour d'appel de Rennes du 25 juillet 2008, des conséquences dommageables de violences commises sur la personne de M. I... par leur enfant mineur qui résidait au domicile de sa mère.

2. La société Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Bretagne-Pays de Loire, assureur de responsabilité civile de Mme H... (l'assureur), a indemnisé M. I... en application d'une transaction conclue avec celui-ci.

3. L'assureur a ensuite assigné M. E... en paiement d'une somme correspondant à la moitié de l'indemnité transactionnelle.

4. Devant la cour d'appel de renvoi, l'assureur a présenté à nouveau cette demande.

Examen du moyen

Énoncé du moyen

5. L'assureur fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes contre M. E..., alors « qu'en se fondant, pour rejeter l'action de la compagnie Groupama en contribution à la dette de responsabilité dont les parents avaient été jugés codébiteurs envers la victime, sur les circonstances inopérantes que le montant de la réparation due à M. I... n'avait pas été fixé judiciairement et que la transaction conclue entre la compagnie Groupama et la victime, arrêtant ledit montant, n'était pas opposable à M. E..., quand il lui appartenait de se prononcer elle-même sur la proportion de la contribution de la dette de chacun de parents civilement responsables puis d'en liquider le montant, au besoin en ordonnant toute mesure d'instruction, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code de procédure civile :

Il résulte de ce texte que le juge ne peut refuser d'évaluer le montant d'une créance dont il constate l'existence en son principe.
6. Pour rejeter la demande de l'assureur, l'arrêt retient que, dans son arrêt prononcé le 25 juillet 2008, la cour d'appel de Rennes, si elle déclare M. E... et Mme H... civilement responsables de leur fils mineur, ne s'est pas prononcée sur le montant de la réparation due à M. I... puisque ce dernier s'est désisté de son action en responsabilité civile à la suite de la transaction conclue avec la société Groupama qui lui a versé la somme de 212 000 euros.

7. L'arrêt retient encore que M. E... n'étant intervenu ni personnellement ni par l'intermédiaire d'un mandataire à l'accord transactionnel, celui-ci lui est inopposable.

8. En statuant ainsi, sans déterminer la contribution respective de chacun des parents à la dette de responsabilité, alors qu'elle relevait qu'ils avaient tous deux été déclarés civilement responsables des dommages commis par leur enfant mineur, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Condamne M. E... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mars deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour la Caisse régionale d'assurance mutuelle agricole Bretagne-Pays de Loire dite Groupama Loire Bretagne

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Groupama Loire Bretagne de ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE l'article 2051 du code civil précise que la transaction faite par l'un des intéressés, ne lie point les autres intéressés et ne peut être opposée par eux ; que l'arrêt prononcé le 25 juillet 2008 par la cour d'appel de Rennes, s'il déclare M. E... et Mme H... civilement responsables de leur fils mineur A... et s'il partage, à hauteur de deux tiers pour ce dernier, et d'un tiers pour M. I... , les conséquences dommageables des violences commises, ne fixe pas l'indemnité due à la victime, mais désigne uniquement un expert pour déterminer l'étendue et le montant de ses préjudices ; que la cour d'appel de Rennes, après le dépôt du rapport d'expertise, ne s'est pas prononcée sur le montant de la réparation due à M. I... puisque ce dernier s'est désisté de son action en responsabilité civile à la suite de la transaction conclue avec la société Groupama qui lui a versé la somme de 212.000 € correspondant, selon les éléments de la procédure, à la réparation de la part de préjudice incombant à A... E... ; que, cependant, M. E... n'étant intervenu ni personnellement ni par l‘intermédiaire d'un mandataire à l'accord transactionnel, celui-ci lui est inopposable ; qu'il y a donc lieu de débouter la société Groupama Loire Bretagne de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de M. E... ; que la décision déférée est par conséquent infirmée ;

ALORS QU'en se fondant, pour rejeter l'action de la compagnie Groupama en contribution à la dette de responsabilité dont les parents avaient été jugés codébiteurs envers la victime, sur les circonstances inopérantes que le montant de la réparation due à M. I... n'avait pas été fixé judiciairement et que la transaction conclue entre la compagnie Groupama et la victime, arrêtant ledit montant, n'était pas opposable à M. E..., quand il lui appartenait de se prononcer elle-même sur la proportion de la contribution de la dette de chacun de parents civilement responsables puis d'en liquider le montant, au besoin en ordonnant toute mesure d'instruction, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil. 



ECLI:FR:CCASS:2020:C200268 


Analyse

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon , du 27 novembre 2018