Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... et la société Axa France Vie ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner le centre hospitalier de Fougères à les indemniser des différents préjudices ayant résulté des complications survenues à la suite de l'intervention chirurgicale subie par
Mme B... le 31 août 2009. La mutualité sociale agricole des Portes de Bretagne, intervenant en la cause, a demandé à être remboursée de ses débours.
Par un premier jugement du 3 novembre 2016, le tribunal administratif de Rennes, après avoir prononcé une première condamnation du centre hospitalier, a prescrit une expertise avant dire droit aux fins de déterminer les préjudices correspondant à l'assistance par tierce personne et les dépenses de santé futures. Par un jugement n° 1401320 du 7 décembre 2017, le tribunal administratif de Rennes a condamné le centre hospitalier à indemniser Mme B... et la société Axa France Vie en leur versant une somme de 127 545 euros, et, d'autre part, à verser à la MSA une somme de 426 161,51 euros au titre de ses débours.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 7 février et 20 mars 2018 et le 19 février 2020, le centre hospitalier de Fougères, représenté par Me F..., demande à la cour de réformer ce jugement du 7 décembre 2017 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il l'a condamné à verser à la MSA des Portes de Bretagne un capital de 426 161,51 euros.
Il soutient que :
- il s'est expressément opposé à une indemnisation de la MSA sous forme de capital s'agissant des frais médicaux futurs de Mme B... ; ainsi, le remboursement de ces frais devra s'opérer sur présentation des justificatifs fournis par la MSA ;
- l'attestation d'imputabilité produite par la MSA ne permet pas de distinguer les frais liés à l'état initial du patient de ceux liés à une faute de l'établissement lors de l'intervention chirurgicale du 31 août 2009 ; le lien entre certains médicaments dont le remboursement est demandé par la MSA et les complications fautives n'est pas établi ; il en va de même s'agissant de la nécessité d'équiper Mme B... d'un lit médicalisé ;
- il appartenait au juge de première instance de faire usage de ses pouvoirs d'instruction pour apporter les précisions nécessaires.
Par des mémoires en défense enregistrés le 1er août 2018 et le 3 mars 2020 la MSA des Portes de Bretagne, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du centre hospitalier de Fougères au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 août 2018 Mme B... et la société Axa France Vie, représentés par Me D..., concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge du centre hospitalier de Fougères au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,
- et les observations de Me G..., représentant le centre hospitalier de Fougères, et de Me C..., représentant Mme B... et la société Axa France Vie.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... a subi le 31 août 2009 une intervention chirurgicale au centre hospitalier de Fougères, afin de procéder à l'exérèse d'un polype dégénéré du rectum. Au cours de cette intervention, l'uretère de Mme B... a été sectionné de manière accidentelle. Le centre hospitalier de Fougères ayant implicitement refusé d'indemniser Mme B... alors même que la CRCI de Bretagne avait, par un avis du 6 juin 2012, retenu que la responsabilité fautive de cet établissement de santé était engagée et proposé une indemnité à titre transactionnel, Mme B... a saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande indemnitaire. Par un premier jugement du 3 novembre 2016, cette juridiction a retenu la responsabilité fautive du centre hospitalier de Fougères et l'a condamné à verser à Mme B... la somme de 1 107 euros et à la société AXA France Vie la somme de 74 000 euros. Le tribunal a par ailleurs prescrit une expertise aux fins de déterminer les préjudices correspondant à l'assistance par tierce personne et les dépenses de santé. Par un second jugement du 7 décembre 2017, le tribunal administratif de Rennes a condamné le centre hospitalier à verser, d'une part, à Mme B... et à la société Axa France Vie une somme de 127 545 euros, et, d'autre part, à la MSA une somme de 426 161,51 euros au titre de ses débours. Le centre hospitalier de Fougères demande à la cour de réformer ce jugement en tant qu'il l'a condamné à verser à l'organisme de sécurité sociale une somme de 426 161,51 euros au titre de ses débours.
Sur les dépenses de santé exposées par la MSA :
2. En premier lieu, la MSA des Portes de Bretagne a produit devant le tribunal administratif de Rennes un état des débours en date du 15 septembre 2017 ainsi qu'une attestation d'imputabilité en date du 26 juin 2017 établie par le médecin conseil de cet organisme qui, sur la base des éléments retenus dans le rapport d'expertise du 11 avril 2017, a identifié et retenu les frais d'hospitalisation de Mme B..., en rapport direct avec les fautes commises par le centre hospitalier de Fougères dans la prise en charge de cette patiente, dans différents établissements depuis l'intervention du 31 août 2009 jusqu'au 14 juin 2010 puis du 10 au 23 juillet 2010, du 13 au 16 août 2010, le 20 août 2010, du 19 septembre au 20 décembre 2010, du 6 au 28 janvier 2011, du 14 au 17 mars 2011 et, enfin, du 21 au 24 mars 2011. Ces frais d'hospitalisation ont été justement évalués à la somme de 298 848,55 euros par le tribunal administratif de Rennes.
3. En deuxième lieu, la MSA des Portes de Bretagne a sollicité le remboursement des débours engagés jusqu'à la date du jugement du 7 décembre 2017 pour le compte de son assurée à l'occasion des retours de cette dernière à son domicile entre ses nombreuses hospitalisations, pour un montant de 15 550,72 euros. Les mentions portées sur l'état de débours fourni par la caisse détaillent la nature des frais engagés, précisent les noms, les quantités et les coûts unitaires des différents médicaments devant être administrés à la patiente. Par ailleurs, l'attestation d'imputabilité établie par le médecin conseil de la MSA inclut le lit médicalisé et dresse la liste détaillée des frais pharmaceutiques en lien avec les fautes commises par le centre hospitalier, parmi lesquels figure le Questran. Au vu de ces éléments précis, confrontés aux données du rapport d'expertise du 11 avril 2014 établi à l'issue d'une réunion du 26 janvier 2014 à laquelle participait le médecin conseil de la caisse, il y a lieu de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a condamné le centre hospitalier de Fougères à verser à la MSA la somme de 15 550,72 euros au titre des frais médicaux et pharmaceutiques.
4. En troisième lieu, la MSA justifie, par la production d'un état de débours et d'une attestation d'imputabilité établis le 3 février 2020, avoir exposé des frais de même nature que ceux détaillés au point 3 pour un montant de 19 122,07 euros entre le jugement attaqué et le présent arrêt. En l'absence de contestation sérieuse du centre hospitalier de Fougères sur ce point, il y a lieu de le condamner à verser cette somme à la MSA.
Sur les dépenses de santé futures de la MSA :
5. Eu égard aux dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale qui limitent le recours subrogatoire des caisses de sécurité sociale à l'encontre du responsable d'un accident corporel aux préjudices qu'elles ont pris en charge, le remboursement des prestations qu'une caisse sera amenée à verser à l'avenir, de manière certaine, prend normalement la forme du versement d'une rente et ne peut être mis à la charge du responsable sous la forme du versement immédiat d'un capital représentatif qu'avec son accord.
6. A défaut, en l'espèce, d'avoir donné son accord pour le versement immédiat d'un capital représentatif des frais de santé futurs de la MSA, le centre hospitalier de Fougères est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes l'a condamné à verser un capital représentatif des dépenses de santé futures.
7. Ainsi, pour l'avenir, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de Fougères le remboursement des frais futurs de la caisse au titre des frais médicaux et pharmaceutiques en lien direct avec les fautes commises par le centre hospitalier dans la limite de la somme en capital demandée par la caisse de 111 762,24 euros.
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
8. Les sommes exposées par la MSA porteront intérêt à compter du 2 juillet 2015, date d'enregistrement de son recours devant le tribunal administratif de Rennes, pour ceux de ces frais exposés avant cette date et, pour le surplus, à compter des dates de leur paiement. Les intérêts échus à compter de la date du 2 juillet 2016, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
9. Il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier de Fougères est seulement fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rennes du
7 décembre 2017 en ce qu'il le condamne à verser à la MSA des Portes de Bretagne un capital de 111 762,24 euros au titre des frais de santé futurs engagés pour Mme B....
Sur les frais liés au litige :
10. Il ne parait pas inéquitable, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge de chacune des parties les frais qu'elles ont exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La somme que le centre hospitalier de Fougères est condamné à verser à la Mutualité sociale agricole des Portes de Bretagne au titre de ses débours passés est ramenée à la somme de 333 521,34 euros, montant qui sera assorti des intérêts au taux légal selon les modalités indiquées au point 8.
Article 2 : Le centre hospitalier de Fougères est condamné à rembourser à la MSA des Portes de Bretagne les frais de santé futurs qu'elle exposera dans les conditions fixées au point 7 du présent arrêt.
Article 3 : Le jugement n° 1401320 du 7 décembre 2017 du tribunal administratif de Rennes est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Fougères, à la caisse de mutualité sociale agricole des Portes de Bretagne, à Mme B... et à la société Axa France Vie.