Cas Soc 3 Juin 2020 n° 18-20333 

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 30 mai 2018) Mme K... a été engagée par la société Gestion marketing stratégie (ci-après la société) en qualité d'animatrice du 2 octobre 2009 au 30 janvier 2010, suivant deux contrats de travail à durée déterminée à temps partiel et deux contrats de travail d'intervention à durée déterminée d'animation commerciale. A compter du 1er février 2010, la relation de travail s'est poursuivie en contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel.

2. Le 19 février 2014, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes.

Examen des moyens

Sur les trois premières branches du deuxième moyen, ci-après annexées

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les trois premières branches du deuxième moyen qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La société fait grief à l'arrêt de requalifier les contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et de la condamner à verser à la salariée une somme à titre d'indemnité de requalification alors :

« 1°/ qu'aux termes de l'accord du 13 février 2006 a été institué un contrat d'intervention à durée déterminée d'animation commerciale auquel les sociétés prestataires de services, organisatrices d'activités commerciales, peuvent avoir recours afin de répondre aux besoins de leurs clients ; qu'en affirmant, pour conclure à la requalification des contrats à durée déterminée de Mme K... en contrat à durée indéterminée, que la société GMS ne pouvait revendiquer l'application à son profit de tels contrats dès lors qu'il ressortait de l'article 3 dudit accord qu'ils ne pouvaient être utilisés que pour assurer la promotion des propres produits et services de la société qui embauchait, quand il ressortait de ce texte que le recours à ces contrats se justifiait pour assurer la promotion des produits et services des sociétés clientes et non des sociétés prestataires, la cour d'appel a d'ores et déjà violé l'avenant du 13 février 2006 ;

2°/ qu'aux termes de l'article L. 1242-2, 3° du code du travail, un contrat à durée déterminée peut être conclu pour pourvoir un emploi dans les secteurs d'activités pour lesquels il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ; qu'en affirmant, pour requalifier les contrats à durée déterminée de Mme K..., que le lancement d'une nouvelle offre, d'un nouveau produit, d'une opération commerciale particulière relevaient de l'activité normale et permanente de son employeur, quand le caractère par nature temporaire des emplois de la salariée devait s'apprécier au regard des missions confiées à la société GMS en sa qualité de prestataire de services et non au regard de l'activité de l'entreprise, la cour d'appel a violé l'article susvisé. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel, qui après avoir constaté que les deux premiers contrats à durée déterminée mentionnaient comme motif de recours un surcroît temporaire d'activité, a estimé que la réalité de ce motif n'était pas établie, a, abstraction faite du motif erroné mais surabondant critiqué par la première branche, légalement justifié sa décision.

Mais sur la quatrième branche du deuxième moyen

Enoncé du moyen

6. La société fait grief à l'arrêt de requalifier le contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein et de la condamner à payer à la salariée des rappels de salaires et de congés payés pour la période du 2 octobre 2009 au 15 avril 2014, alors « que la cour a constaté, s'agissant des contrats à durée déterminée du 2 octobre 2009 au 30 janvier 2010, que la salariée connaissait ses jours et horaires de travail et il n'était pas allégué que les uns ou les autres auraient été modifiés sans respect du délai de prévenance, de sorte qu'elle avait bien travaillé au cours de cette période à temps partiel ; qu'en affirmant néanmoins que le temps partiel de Mme K... devait être requalifié en temps plein dès le 2 octobre 2009 et en lui accordant dès cette date des rappels de salaire à ce titre, la cour d'appel a violé les articles L. 3123-14 et L. 3123-21 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3123-14 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 :

7. Il résulte de ce texte que la requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail.

8. Pour requalifier le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein et condamner l'employeur à payer à la salariée des rappels de salaires et de congés payés pour la période du 2 octobre 2009 au 15 avril 2014, l'arrêt retient, après avoir constaté qu'avant de signer chacun des quatre contrats à durée déterminée ultérieurement requalifiés, la salariée avait été informée de ses jours et horaires de travail pour le mois correspondant, que le contrat de travail à durée indéterminée du 1er février 2010 prévoyait une durée de travail mensuelle de 21,66 heures répartie à raison de cinq heures hebdomadaires au minimum, en fonction des demandes d'animations des clients, les vendredis ou samedis et, dès lors, ne précisait, ni la répartition des cinq heures hebdomadaires, ni le nombre exact de jours travaillés (vendredi ou samedi), que le fait que les plannings aient été édités dans un délai de prévenance compris entre sept et dix jours ne signifie pas qu'ils étaient portés à la connaissance de la salariée dans le même délai, sa signature sous le 'bon pour accord'manuscrit n'étant accompagnée d'aucune date, que, par ailleurs, il ressort des ordres de mission postérieurs à la prise d'effet du contrat à durée indéterminée que la répartition de son temps de travail était très différente suivant les mois, qu'au surplus, au mois de janvier 2011, le planning de travail de la salariée était sur le mois, de cent-quarante-sept heures, ce qui équivaut à un temps plein.

9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que les quatre contrats à durée déterminée portant sur la période du 2 octobre 2009 au 30 janvier 2010 faisaient mention de la durée du travail et des horaires de travail, de sorte que ces contrats répondaient aux exigences de l'article L. 3123-14 du code du travail, la cour d'appel, qui a requalifié le contrat à temps partiel en un contrat à temps plein et condamné l'employeur à payer un rappel de salaire correspondant à un temps plein à compter du 2 octobre 2009, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation :

10. La cassation à intervenir sur la quatrième branche du deuxième moyen entraîne, par voie de conséquence, la cassation des chefs de dispositif critiqués par le troisième moyen se rapportant à la résiliation judiciaire du contrat de travail.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il requalifie le contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein, en ce qu'il condamne la société Gestion marketing stratégie à payer à Mme K... la somme de 27 041 euros à titre de rappel de salaire et celle de 2 704 euros au titre des congés payés afférents pour la période 2 octobre 2009 au 15 avril 2014, en ce qu'il prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail et condamne la société Gestion marketing stratégie à payer à Mme K... les sommes de 2 790,48 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, de 279,04 euros au titre de l'indemnité de congés payés afférents, de 239,62 euros au titre du solde de l'indemnité de licenciement et de 8 500 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 30 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ;

Condamne Mme K... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Gestion marketing stratégie ;